Bio

Thomas O'Brien © www.thomasobrien.fr 


« Comment on fabrique les couteaux-suisses ?
Les artistes dispersés, qui font « un peu de tout » et pas qu’un peu ?
Les curieux compulsifs qui absorbent et retransmettent, qui font bouillonner la vie culturelle de celles et ceux que les galeries ne concernent pas ?
Les artistes-artisans, fascinés par la matière et le savoir-faire ?


Facile,

On les taille dans les gribouilleurs du fond de la classe,

dans les gamins qui rêvent de graff sur l’autoroute, à l’arrière de la voiture familiale ou au départ du TER.
Dans les collégiens qui se tatouent seuls avec des aiguilles à coudre et de l’encre de Chine.



S’il quitte les Beaux-Arts d’Avignon DNAP en poche il y a dix ans, je vous dirai volontiers que sa formation se fait en autodidacte, dans sa chambre et sur la route. Les véritables fondations de Nekro Korp c’est des carnets remplis d’alphabets et de punitions, des caisses entières de feuilles volantes, des bouts de corps offerts par les copains, des bennes de bombes de peinture vides et une demi manchette full color sur le bras de la femme qu’il aime.
Observateur, il interroge ses pairs et s’exerce jusqu’à plus soif. Il prend ses premiers conseils auprès d’Étienne Abeillon, de Calou ou chez Manuel Tattoo Reignier. En 2013, sa formation d’hygiène en poche, il est déjà solidement entraîné quand il entre au Banana de Rouen, puis fait le tour des shops du coin.


Au fil des ans il développe sa technique et son style ancré dans l’illustration, à la frontière du néo-trad’ et du graphique, peuplé de crânes menaçants ou rieurs, de personnages mythologiques, de scalaires volants blasés et de motifs noirs inextricables. En bon amoureux des matières premières il travaille les peaux et les corps dans toute leur singularité, et s’inscrit dans une génération qui refonde le rapport au client sur l’écoute et la prévenance.
Épanoui dans la mutualisation du savoir, il observe ses collègues attentivement et se pose en spectateur complice de l’entrée fracassante et massive des meufs dans un milieu où le dépoussiérage se fait urgent. Qu’elles se professionnalisent ou émancipent en amateur, juste pour le geste, leurs peaux de la main de l’homme, il tend volontiers le pied-de-biche à celles qui enfoncent la porte, et j’espère qu’il sait que si on le remercie peu par principe, on voit, on note et on cracherait pas sur une multiplication des traîtres à leur genre de son espèce.
Il débarque chez Abraxas en 2018 et embrasse pendant trois ans la vie de shop à temps trop plein qui achève de construire le tatoueur qu’il est aujourd’hui, et sa clientèle parisienne.


En parallèle, son parcours de graffeur est profondément influencé par la rencontre du calligraphe Reano Feros, du pochoiriste Polo 51.67 et du peintre en lettre typographe Repy1, avec lesquels il entame plusieurs collaborations prolifiques qui s’étalent sur les murs avignonnais, en sérigraphie sur des lignes de vêtements et se laisse ponctuellement mettre sous verre lors d’expositions exceptionnelles.
Il expérimente le tatouage de cuirs auprès de la sellière harnacheuse maroquinière Coralie Caillaud, avec qui il crée une série de porte-monnaie sur lesquels il encre ses motifs.
Il se forme à la sérigraphie auprès de l’artiste textile Aurore Pélisson, qui lui transmet les bases des techniques d’impression artisanales, au sein d’une micro-production éthique et responsable, sur matériaux 100% français.
Un temps membre de Tag Déco, puis d’Allô Graffiti, il sème ses fresques murales au gré des commandes, développant un univers saturé de couleurs dans lequel l’être humain s’efface au profit de créatures aquatiques volantes, de paysages suspendus et d’humanoïdes fantasmagoriques.
Entraîné par la comédienne Adeline Walter, il collabore avec la compagnie de théâtre Modes d’emploi sur Les Manigances, œuvre contemporaine interrogeant le récit du roman national et l’instrumentalisation de l’Histoire par le corps politique, dans laquelle ses reproductions de peintures coloniales viennent visibiliser le subconscient européen.


Nourri d’une décennie d’étude de la batterie en conservatoire, et jamais loin bien longtemps de la vieille guitare de son grand-père, on réprime un sourire quand il explique qu’il ne voulait surtout pas être un artiste, et on fait l’effort de comprendre que ce qu’il veut pas, c’est monétiser son monde, et devoir expliquer ailleurs qu’à un comptoir ce que lui ont apporté le travail de Moebius et de Caravage, de Lady K et Filip Leu, de Damasio et d’Hakim Bey, de Léa Nahon, de Banksy et d’Hugo Pratt.


Moi, je continuerai de chercher ses persos sur les murs de paname, en espérant que les vandales, les artistes de rue et les tatoueuses gagnent la grande guerre de la récupération de l’art par le peuple, et j’irai lever le coude avec lui. »